On
s'attendait à ce que l'annonce vienne du chef du gouvernement. C'est
en tout cas ce qu'avait laissé entendre, ces derniers jours,
l'Association des maires de France (AMF), promettant un arbitrage de
Manuel Valls sur le financement de la réforme des rythmes scolaires
mercredi 7 mai, à l'issue du conseil des ministres.
C'est
son ministre de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur
qui aura finalement donné la « bonne nouvelle » sur les ondes de
France Inter, mercredi matin. Façon de dire qu'un mois après son
installation rue de Grenelle, Benoît Hamon s'est bel et bien emparé
du dossier qui a coûté son poste à son prédécesseur.
«
Le fonds d'amorçage sera reconduit en 2015-2016, et le montant
calibré pour que les communes qui connaissent de grandes difficultés
» puissent sauter le pas, a-t-il affirmé, sans avancer de montant
précis. « Nous allons l'apprécier, a-t-il ajouté, en fonction de
[ce qui se passe] cette année ». Une année qui doit voir les 24
000 communes possédant une école revenir, toutes, à la semaine
d'école de quatre jours et demi, en autorisant celles qui butent sur
la réforme à 6 %, selon les estimations de la rue de Grenelle – à
« assouplir » son cadre pour trois ans, avec des «
expérimentations » permettant par exemple de regrouper les
activités périscolaires sur une demi-journée.
«
COUP DE POUCE »
L'effet
de surprise est relatif : dès son discours de politique générale,
le 8 avril, Manuels Valls avait déclaré avoir « entendu les
remarques de bonne foi des élus » sur leurs difficultés à sauter
le pas. A l'automne dernier, son prédécesseur, Jean-Marc Ayrault
s'était engagé auprès de Jacques Pélissard, président de l'AMF,
à reconduire l'aide consentie pour l'année scolaire 2013-2014 à
l'année 2014-2015, en la faisant passer de 250 à 360 millions
d'euros.
Soit
50 euros par enfant et par an – pour un coût moyen du changement
de rythmes estimé généralement au triple –, 90 euros dans les
communes en difficulté, auxquels s'ajoutent une cinquantaine d'euros
versés par les caisses d'allocations familiales. Un « coup de pouce
» pas toujours suffisant pour mettre en place trois heures
d'activités périscolaires en plus chaque semaine, en contrepartie
d'un retour à l'école une matinée supplémentaire.
LE
GOUVERNEMENT PRÊT À DES CONCESSIONS
En
2013, l'enveloppe initiale aura été aussi peu incitative
qu'utilisée : quelque 4 000 communes seulement (17 %) ont mis
en musique les nouveaux rythmes il y a huit mois. Difficile, dans ces
conditions, de ne pas renouveler le geste à l'égard des 20 000
autres contraintes de se ranger sur la ligne de départ en septembre
2014, alors que, selon une enquête rendue publique à l'automne, les
deux tiers des villes pionnières ont rencontré des difficultés
financières. Et que la demande d'un « libre choix » est
régulièrement mise en avant par l'UMP et des villes de droite,
certaines, comme Marseille, réclamant même un « moratoire ».
Dans
un contexte de baisse des dotations, le gouvernement, bien résolu à
tourner la page de la « semaine Darcos » de quatre jours,
semble prêt à pas mal de concessions. Les élus, pourtant,
n'étaient pas présents, lors du Conseil supérieur de l'éducation
(CSE) convoqué lundi 5 mai, pour exprimer leur relative
satisfaction. Boycott ? Façon de faire « monter la pression » ?
Plutôt « un concours de circonstances », confie-t-on dans les
couloirs de l'AMF, alors que la plupart de leurs représentants ont
été battus aux élections municipales... Sans leur soutien, le CSE,
dont l'avis est purement consultatif, a rejeté par 31 voix contre,
27 absentions et seulement 3 votes favorables, le texte sur les
expérimentations. Le décret Peillon, en janvier 2013, avait fait à
peine mieux (5 voix pour), signe que sur la question des rythmes, le
consensus reste à trouver.
D'autant
qu'il n'est pas dit que l'annonce faite, ce jour, par Benoît Hamon
suffise aux collectivités : c'est un fonds d'amorçage « pérennisé
» que ne cesse de réclamer l'AMF, et pas seulement une aide
reconduite « pour un an », comme l'a dit le ministre. Du côté des
maires ruraux de France, dont l'association (AMRF) vient de rendre
public un guide sur Le maire et l'école, on ne transige pas sur le
caractère obligatoire de la réforme
en réclamant qu'il n'y ait
pas de date butoir.
Mattea
Battaglia, Le Monde 7 mai 2014
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