A
la suite du professeur Etienne Brunet, nous nous approchons des
dessins nordiques présentés jusqu’au 9 juin au Musée de
Grenoble.
Une
pause bienvenue parmi les installations parfois tapageuses, les
monumentales exhibitions, les sollicitations tonitruantes.
Ici
les personnages sont si petits, les papiers si fragiles, les touches
à la sanguine si légères, les rehauts de blanc si décisifs, les
choix si subtils que nous sommes aussi dépaysés que si nous avions
suivi les rails vers quelque café d’Amsterdam aux effluves rieurs.
J’aime
ces taches, ces plis, où la maturité des artistes se mesure dans un
trait suspendu alors que le débutant appuie.
A
la plume les rythmes forment une écriture, une pointe de lavis nous
fait fondre.
Avant
le Musée place Verdun, à l’emplacement du lycée Stendhal, il y
avait déjà un fond de dessins dont certains sont ressuscités à
l’occasion de cette troisième présentation, ils en retrouvent
d’autres dont nous apprécions la mise au jour.
Nous
passons du genre enluminure moyenâgeuse, aux apaisants
ordonnancements eau/ terre/ ciel, aux trouées qui permettent d’aller
au-delà du premier plan, avec des arbres présentés frontalement ou
amenés à la lumière pas des compositions habiles.
Sur
l’un des dessins, l’étudiant Cornélius ouvrira-t-il les yeux
après que sa passion d’un soir lui eut présenté le fruit de ses
abandons ? Sur un autre Achille déguisé en fille au milieu des
filles de Lycomède se trahit, il choisit une épée au milieu des
tissus : c’est son genre. De quoi réviser ou découvrir des
épisodes de la mythologie ou de la bible : la représentation
du sulfureux Jéroboam n’est pas anecdotique dans ces contrées qui
connurent bien des affrontements entre catholiques des Flandres et
réformés de Hollande où des artistes même devenus protestants
continuèrent à travailler pour ceux qui chérissaient les images.
Au
sortir de ces années furieuses, la fierté de vivre dans un pays où
règne calme et harmonie transparaît : vues typographiques,
panoramas, marines et forêts, paysages idylliques, commerce sur le
Rhin, scènes du quotidien, animaux...
On
se rend compte que finalement les ruines italiennes ne datent pas
toutes de l’antiquité et que « ce que n'ont pas fait les
barbares, les Barberini l'ont fait » bien plus tard ;
les vieilleries écroulées ont parfois du charme. Par ailleurs si
un trait est appuyé c’est que le dessin a du se faire à la lueur
d’une bougie, notre guide nous rappelle tout ce que les couleurs
des cubistes devaient à l’éclairage au gaz.
Avant
d’arriver à l’autoportrait au chevalet de Rembrandt, un parmi
les 40 peintures, les 30 eaux fortes qu’il fit de lui-même, nous
traversons la salle consacrée à ses disciples virtuoses, rapides où
souvent se pressent un événement à venir. Cet acharnement à se
représenter s’affronte à la difficulté majeure de la description
du corps et ses « touches beurrées » nous parlent comme
lorsque Courbet fumant sa pipe et fermant les yeux veut se montrer
en « homme désillusionné des sottises qui ont servi à son
éducation et qui cherche à s’asseoir dans ses principes »,
comme il le dit lui-même.
Lors
d’un relevé de biens lors d’une faillite, chez
Rembrandt Harmenszoon van Rijn, un christ « d’après nature
» fut répertorié.
Nous
pouvons continuer à chercher la figure de l’homme et de ses fils.
(Texte proposé par Guy Chassigneux, http://blog-de-guy.blogspot.fr/)
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