Mercredi
10 février à 17h
Le
Belvédère, Saint-Martin d’Uriage
Le
Géant égoïste de Clio Barnard (Grande Bretagne, 2013,
91')
Arbor,
13 ans, et son meilleur ami Swifty habitent un quartier populaire de
Bradford, au Nord de l’Angleterre. Renvoyés de l’école, les
deux adolescents rencontrent Kitten, un ferrailleur du coin. Ils
commencent à travailler pour lui. Arbor, en guerre contre la terre
entière, se dispute les faveurs de Kitten, en lui rapportant
toujours plus de métaux, au risque de se mettre en danger. L’amitié
des deux garçons saura-t-elle résister au Géant égoïste ?
"Le Géant égoïste,
c'est d'abord une musique. Apre et rocailleuse, au diapason de cet
accent du Nord qui fait sonner l'anglais comme une langue inconnue.
Quelques répliques suffisent à se sentir embarqué dans ce coin d'enfer.
Maisons ouvrières aux jardins pouilleux, briques noires, aubes grises...
A cette topographie de l'Angleterre en crise, Clio Barnard ajoute un
versant plus inattendu : une verdure post-industrielle, des champs et
des moutons au pied de pylônes gigantesques. Sans cesser de traquer la
rudesse du réel, elle s'aventure à la lisière du fantastique, là où
surgissent des images presque surréalistes. Ainsi cette centrale dans la
brume ou la scène, hallucinante, d'une course de trotteurs sur route :
suivis d'une horde de voitures déglinguées aux passagers vociférants,
deux attelages fendent l'air glacé en martelant le macadam.
Nerveuse,
abrupte, la caméra à l'épaule capte la brusquerie des corps en
mouvement. Leur vitalité aussi. Car la gageure du film est d'éviter le
misérabilisme auquel invite son décor. Progressivement, une vision
morale vient transcender le réalisme : un sursaut de la conscience, la
quête d'un pardon comme on en voit dans le cinéma des Dardenne. Et les
comédiens, deux ados grandis sur place, emportent tout sur leur passage. "
Mathilde Blottière, Télérama
Mercredi
10 février à 20h
Cinéma
Juliet Berto
Un
temps pour l’ivresse des chevaux de Bahman Gohbaddi
(Iran, 2000, 80')
avec
le Ciné-club de Grenoble
suivi
d’un débat en présence de Reza Afchar Naderi, poète et
photojournaliste iranien
Au
Kurdistan iranien, tout près de la frontière avec l’Irak, les
enfants d’une même famille vivent seuls en subvenant à leurs
besoins. Le benjamin souffre d’une maladie grave. Sa sœur accepte
de se marier avec un iranien prêt à les aider financièrement. A la
frontière la famille du futur époux refuse que le malade les suive.
L’aîné rentre en Iran avec son frère mais le temps presse pour
l’opération.
"La force documentaire des premières
séquences saute aux yeux, mais Bahman Ghobadi s'en sert plutôt comme
d'un sauf-conduit, et on ferait fausse route en suivant cette seule
piste. Chaque étape du scénario, assez habilement d'ailleurs, est une
nouvelle épreuve pour Ayoub, et un degré franchi sur l'échelle de la
responsabilité. Sa mission (impossible ?), son saint Graal, c'est la
survie de son frère estropié, Madi. Mais en chemin, la désillusion se
pointe aussi. L'oncle des orphelins négocie avec une famille irakienne
le mariage de Rojine contre le paiement d'une opération pour Madi. Très
belle scène de dispute entre Ayoub et sa soeur aînée, noyés dans la
neige parmi quelques arbres. Ces instants-là, comme peu après le refus
tout aussi déchirant du clan du fiancé d'acquitter sa promesse, Ghobadi
choisit de les filmer à distance.
C'est aussi la pudeur qui le sauve aux moments les plus délicats. Elle
nous épargne des plans trop insistants sur le frère difforme, trimballé
dans une sacoche ou posé sur le sol neigeux. On apprécie que le jeune
cinéaste ait limité ses ambitions esthétiques à quelques plans
saisissants (comme ces pneus qui, détachés de la selle des mulets,
dévalent une pente neigeuse). On doit surtout le remercier d'avoir
jusqu'au bout mené son affaire comme une escalade humaine et physique
sans rien trahir de laborieux ni surtout sans basculer dans un
sentimentalisme facile. A tel point que la fin, parfaitement abrupte et
lumineuse, prend de court."
François Gorin, Télérama
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